L’alliance de l’apollinien et du dionysiaque, Contrelittérature n°3

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La question du tragique a été le point d’entrée de Nietzsche dans la pensée. Son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie, lui était déjà consacré, de même que ses premières réflexions sur la culture grecque en général. Le philosophe en est ainsi venu à isoler les forces jumelles et antagonistes qui, dans la tragédie classique, auraient trouvé un parfait point d’équilibre: Apol­lon, d’une part, dieu des mathématiques et de la rationalité, patron des belles formes et de la clarté, et Dionysos, d’autre part, dieu de l’ivresse et de l’inspiration créatrice, figure également de ce per­pé­tuel devenir que constitue le monde. L’art, à son meilleur, fait ressentir les émotions sans leur lâcher la bride, et équilibre sans scléroser. Il se montre sous un jour solaire sans manquer de profondeur ni de nuance. Ses vices potentiels sont l’onirisme contemplatif, l’apathie, le didactisme, l’abstraction conceptuelle (Apollon), ou a contrario le grotesque, l’angoisse, la confusion, la frénésie sensorielle (Dionysos). Nietzsche nous dit combien la sérénité grecque se plaisait à humer la vapeur sulfureuse des volcans. Les sages marchent au bord d’un cratère de lave, tels des funambules. Ils scrutent le vide, et n’y tombent jamais. Les fous, au contraire, pris d’une ivresse dionysiaque, se jettent au fond du gouffre; et les saints, qui ne valent pas mieux que les déments, préfèrent rester au pied de la montagne de feu, dans une torpeur apollinienne, pour épargner leurs nerfs fatigués. Mais ni les fous, ni les saints n’apprennent la vertu de courage. Il leur aurait fallu pour cela la force de monter jusqu’au sommet, et d’y rester sans plonger. La mesure est mère de tous les bienfaits.

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Publiée par Thibault Isabel sur Vendredi 2 octobre 2020


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