L'évolution des liens et des rapports sociaux
Extrait : Commençons par le cadre familial. Les liens familiaux eux-mêmes ne sont pas nécessairement moins intenses qu’autrefois, mais ils sont en tout cas moins durables et plus éclatés, ne serait-ce qu’en raison de la multiplication des divorces et des familles recomposées, associée bien sûr à l’éloignement géographique.

Et, grâce aux nouvelles technologies, à l’heure où le nombre de personnes seules est pourtant en augmentation constante, nous pouvons avoir des centaines d’amis sur Facebook, dialoguer sur des forums, nous échanger des conseils et des « bons plans » sur des sites dédiés, voire signer des pétitions en ligne ou relayer des messages humanitaires. Ces phénomènes de société traduisent en filigrane le besoin de compenser tant bien que mal un isolement inédit au sein de la population. La convivialité n’est pas plus malmenée qu’autrefois, et peut-être même est-elle mieux considérée que jamais : mais elle se manifeste en revanche d’une manière de plus en plus abstraite et désincarnée. Les contacts sont imaginaires, et non réels.
Dans le domaine associatif, on constate symptomatiquement que les dons sont restés stables au cours des années 2000 [2] ; mais le nombre de personnes qui déclarent avoir effectué un travail bénévole a quant à lui baissé entre le début et la fin de la décennie. Autrement dit, la générosité ne faiblit pas, mais elle s’exprime davantage par des dons en argent ou en nature que par des dons de temps et un contact direct avec les plus nécessiteux. La gentillesse transite de nos jours par la distance et l’abstraction plutôt que par la proximité et la concrétude.
On pourra mentionner encore un exemple à l’appui de cette thèse : selon des enquêtes du Credoc réalisées en 2004 et 2009, on assiste à une baisse de la fréquence des invitations à dîner, au cours des années 2000. Par rapport à 2004, la part de Français invitant pour un repas au moins une fois par mois a régressé (66% des Français recevaient au moins une fois par mois en 2009, alors qu’ils étaient 73% en 2004). Cette diminution s’explique sans doute en grande partie par la crise économique ; mais on constate parallèlement que ce sont en fait essentiellement les membres de la famille et les amis qui sont de moins en moins souvent invités, alors que les collègues de travail et les voisins le sont de plus en plus (avec +6% et +5% d’augmentation respective). Ce changement illustre le développement des relations interpersonnelles dites « molles » au détriment des relations dites « dures ».
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